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Et moi, humilié, meurtri,31
Et je louerai le nom de Dieu par un cantique,32
Cela plaît au Seigneur plus qu’un taureau,33
Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :34
Car le Seigneur écoute les humbles,35
Que le ciel et la terre le célèbrent,36
Car Dieu viendra sauver Sion37
patrimoine pour les descendants de ses serviteurs,
Commentaire
Un Messie déroutant
Porté par l’élan populaire et par l’enthousiasme des foules, Jésus doit poser un acte qui résume en quelque sorte tout son programme.
D’ailleurs on attendait du Messie qu’il libère Israël de ses ennemis, mais on oubliait quelque peu l’autre dimension de son programme qui était de faire d’Israël un peuple digne de Dieu. Au lieu de profiter de la faveur populaire et de tenter un coup de main contre la garnison romaine, par exemple, Jésus s’en prend, non armé, à un groupe de compatriotes. Extraordinaire renversement de perspective: le plus grand problème des hommes ne tient pas dans les circonstances extérieures de vie, mais dans leur(s) relation(s) avec Dieu. Autre sujet d’étonnement: les responsables du bon ordre du sanctuaire laissent agir Jésus en toute impunité et entament un dialogue avec le perturbateur: ils ne lèvent ni la main ni la voix contre lui, car il bénéficie de l’appui de la foule de ceux que la religion a exclus, bâillonnés et exploités!
Jésus dénonce une piété qui cherche à transformer le monde à l’avantage de ceux qui s’acquittent de certains rites, il promeut une foi qui change l’homme de l’intérieur.
Le rite qui cloisonne est relativisé au profit d’une foi dont le respect de l’homme est la juste mesure.
Ainsi en va-t-il du figuier comme image des ritualistes stériles qui ne portent aucun fruit. Mais les disciples y voient une démonstration de puissance qui incite Jésus à ironiser avec cette histoire de montagne. Car vouloir jeter une montagne dans la mer ne constitue-t-il pas précisément une démonstration aussi vaine que les rituels dénoncés?
Il est cependant utile de préciser que le «déracineur de montagne» est une métaphore utilisée fréquemment dans la littérature juive pour désigner un grand maître ou un chef spirituel éminent; le sage résout de grands problèmes et semble capable d’accomplir l’impossible.
Alors prier signifie entrer dans la pensée et la volonté de Jésus qui a espéré en l’humanité contre toute espérance. A l’encontre d’un type de croyance qui égrène son chapelet de lamentations (on n’y peut rien, l’homme ne change pas, les temps ne sont pas mûrs, ce n’est pas la saison favorable), la foi refuse de croire dans le monde tel qu’il est et se tourne vers le monde tel qu’il doit advenir. Le spectateur désabusé devient acteur de l’histoire, par la force de sa prière.