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Pourtant, Dieu, mon roi dès l’origine,13
c’est toi qui fendis la mer par ta puissance,14
toi qui écrasas la tête de Léviathan15
toi qui ouvris les torrents et les sources,16
À toi le jour, à toi la nuit,17
C’est toi qui fixas les bords de la terre ;18
Rappelle-toi : l’ennemi a méprisé ton nom,19
Ne laisse pas la Bête égorger ta Tourterelle,20
Regarde vers l’Alliance : la guerre est partout ;21
Que l’opprimé échappe à la honte,22
Lève-toi, Dieu, défends ta cause !23
N’oublie pas le vacarme que font tes ennemis,
Commentaire
Des larmes qui purgent et reconstruisent
À première vue, les Lamentations ne sont rien d’autre que le hurlement d’un peuple ravagé. On pense aux pleurs et manifestations extraverties de deuil dans les rues des petites cités de l’Italie profonde, rappelant les «Hélas! Hélas!» des tragédies grecques.
Ces chants de deuil furent composés, pense-t-on, par des Israélites restés en Palestine après le sac de Jérusalem par Nabuchodonosor et la déportation de 587.
Dans notre passage, l’auteur expulse d’abord avec peine le corps étranger d’un désespoir poignant; puis vient le discernement de la cause du malheur, attribuée au Maître de l’histoire de qui dépend toute décision, même la plus cruelle et incompréhensible (17).
Cette reconnaissance induit le repentir pour les péchés de Jérusalem, dont le principal est imputable aux prophètes qui n’ont pas annoncé ce qu’ils devaient (14): un message menaçant mais salutaire – s’il avait été diffusé intégralement et à temps pour susciter un sursaut de conscience.
Une toute petite trouée de ciel plus clair laisse augurer d’un minuscule espoir pour ‘Mademoiselle Sion’ – ainsi peut-on traduire l’expression ‘Fille de Sion’: «Puisque tu pleures, fais-le sincèrement et à fond! Vide ton cœur en présence du Seigneur. Si ce n’est pour toi que tu espères un radoucissement de la Face du Seigneur, ose au moins l’espérer pour tes petits innocents et implore en conséquence!» (19).
Pouvoir purificateur des larmes humaines lorsqu’elles se mêlent à celles de Jésus qui contemple le désastre – spirituel, celui-ci – d’une Jérusalem qui, du haut de ses orgueilleuses murailles reconstruites, refuse, réfute, renie et récuse son Sauveur (Lc 19, 41-44).