1
Pourquoi, Dieu, nous rejet
er sans fin ?
Pourquoi cette colère sur les breb
is de ton troupeau ?
2
Rappelle-toi la communauté
que tu acqu
is dès l’origine, †
la tribu que tu revendiqu
as pour héritage,
la montagne de Sion où tu f
is ta demeure.
3
Dirige tes pas vers ces ru
ines sans fin,
l’ennemi dans le sanctuaire a to
ut saccagé ;
4
dans le lieu de tes assemblées, l’advers
aire a rugi
et là, il a plant
é ses insignes.
5
On les a vus brandir la cognée,
comme en pl
eine forêt, *
6
quand ils brisaient les portails
à coups de m
asse et de hache.
7
Ils ont livré au fe
u ton sanctuaire,
profané et rasé la deme
ure de ton nom.
8
Ils ont dit : « All
ons ! Détruisons tout ! »
Ils ont brûlé dans le pays les lie
ux d’assemblées saintes.
9
Nos signes, nul ne les voit ;
il n’y a pl
us de prophètes ! *
Et pour combien de temps ?
Nul d’entre no
us ne le sait !
~
10
Dieu, combien de temps blasphémer
a l’adversaire ?
L’ennemi en finira-t-il de mépris
er ton nom ?
11
Pourquoi reten
ir ta main,
cacher la f
orce de ton bras ?
Commentaire
Silence et naissance d’un chant
« L’homme de douleurs » se tait.
Un silence presque insoutenable : le Serviteur ne se justifie pas, n’accuse pas ses bourreaux, mettant ainsi, peut-être, un terme au jeu de la violence, du mal : « pas de fraude dans sa bouche », dit le texte.
Ce silence ne ressemble pas seulement à l’impuissance : ne finira-t-il pas par couvrir la voix des rois, des puissants dont il est dit qu’ils seront à leur tour « bouche close » (52,15)? Il y a dans ce spectacle sans parole une invitation à une contemplation douloureuse et, peut-être, un espace pour faire naître des mots nouveaux. Esaïe annonce que le Serviteur rejeté sera exalté.
Une communauté (« nous ») se découvre mystérieusement reliée au malade dont elle se détournait, au persécuté qu’elle méprisait, à celui qu’elle tenait pour responsable de son malheur ; elle perçoit alors dans cette souffrance le reflet de sa propre injustice et, étrangement, l’horizon de son salut. Dans le silence du Serviteur souffrant, comme dans le silence de Jésus, si vulnérable dans la crèche, si pitoyable sur la croix, mais si ferme devant ceux qui l’arrêtent, l’interrogent et le brutalisent, s’élève le chant d’une communauté qui, même sans comprendre vraiment, a reconnu la justice du Serviteur.
Une justice différente de celle des hommes, promesse d’une humanité réconciliée avec elle-même, capable d’accepter sa fragilité, capable de fraternité.